Beng Melea , au royaume des enchantés …

Le Temple écroulé

 

Une heure de route vient de s’’écouler, nous arrivons devant Beng Melea, l’un des temples les plus mystérieux du Cambodge. Bien que les murs soient écroulés, recouverts de mousse émeraude, percés de fromagers aux racines dévastatrices et aux lianes tombantes, Beng Melea est de loin le temple qui m’a le plus charmé... et je ne suis pas la seule, ce n’est pas pour rien si le français Jean Jacques Arnaud l’ai choisi en 2004 comme plateau principal pour le tournage du film à succès « deux frères ». Comment faire comprendre la magie qui se dégage de ce temple si mystérieux quand on ne s’y trouve pas ?  Beng Melea, c’est comme imaginer les pièces d’un puzzle géant éparpillées au cœur de la jungle cambodgienne.

Beng Melea, dont la traduction littérale est « lac de la guirlande » est un site qui fut construit sous le règne de Suryavarman II, entre 1112 et 1152. Selon plusieurs hypothèses avancées par les spécialistes, ce temple serait un vaste « essai » qui  aurait servi de modèle pour l’édification d’Angkor Wat. Depuis cette  révélation, plusieurs théories s’affrontent en pagaille. D’ailleurs Deth tentera de nous prouver cette hypothèse par tous les moyens possibles ; elle sera donc l’objet de notre visite. Tout d’abord, il nous fait remarquer parmi les décombres enfouis dans la végétation luxuriante, quelques frontons gravés d’apsaras, ces nymphes déesses, qui curieusement apparaissent, ici, plus en chair que nulle part ailleurs au cœur de la cité khmère. Suryavarman II, lors de l’édification d‘Angkor Wat, aurait demandé à ses fidèles ouvriers de les « maigrir » d’une ou deux tailles, insatisfait des formes qu’elles arboraient sur les colonnes de Beng Melea. Mais ce n’est qu’une vaste interprétation qui reste encore à prouver.

Cependant, Deth nous fait remarquer un second indice sur l’un des murs encore sur pied. Sachant que tous les temples d’Angkor,possèdent des murs dont les pavés ont soigneusement été posés en quinconce, il est vrai que celui-ci diffère par son étrange architecture: ici les pavés ont été empilés non pas en quinconce mais parfaitement alignés les uns sur les autres, ce qui pourrait être l’un des facteurs qui aurait fragilisé la structure et à long terme provoqué destruction. 

Il est certain que cet indice est tout à fait cohérent , il  vérifierait l’hypothèse selon laquelle Beng Melea ne serait qu’un essai de Suryavarman II pour l’édification faramineuse d’Angkor Wat , ce monstre de gré qui, lui, tient encore debout. Enfin bref, je ne crois pas que nous parviendront à percer les mystères de ce temple abandonné plus qu’un scientifique expert en la matière.

 

Nous y entrons par l’entrée principale qui apparait déjà comme un fouillis anarchique de pierres semblant plutôt avoir été démontées à la main que s’être écroulées naturellement. Nous gravissons une flopée de marches pour parvenir au sommet des murs qui constituaient autrefois l’enceinte du sanctuaire puis la balade se prolonge su des passerelles en bois aménagées récemment afin de permettre une circulation plus facile à l’intérieur des ruines. Nous déambulons dans le temple, un peu comme si c’était nous qui venions de découvrir ces incroyables débris de pierres. Chaussées, voutes écroulées, frontons et linteaux s’enchevêtrent pour former un énorme monticule sombrant dans la végétation.

 

A travers un dédale de voutes et de frontons écroulés, envahis par les racines de fromagers, je trouve tout de même vraiment dommage d’avoir installé des escaliers en bois et échafaudages qui soutiennent certaines racines trop lourdes. Ces structures modernes gâchent un peu la « magie » de ce lieu. De plus les photos rendent moins bien que s’il n’y avait aucun aménagement…

 

Plus loin, en avançant dans le temple, plusieurs bibliothèques sont-elles aussi prisonnières des racines qui enlacent les structures si étroitement que personne ne pourrait les détacher. Parmi ce fouillis, on peut toutefois découvrir quelques belles scènes qui évoquent la légende du Râmâyana  issue de la mythologie indienne; « Sita dans le feu mettant à l’épreuve son innocence » et le « Barattage de la mer de lait ».

Plus nous avançons, plus l’excitation s’accroit : qu’allons-nous découvrir de plus merveilleux encore ? C’est en traversant les enceintes concentriques que nous parvenons dans l’enceinte extérieure du temple. Quelques enfants accompagnés de leur mère s’amusent avec les touristes. Nous profitons de leurs rires tout en les regardant s’amuser à courir dans ce havre de paix. Tenant à la main des sacs remplis de bonbons sucrés, ils nous offrent des sourires inoubliables à l’instar de ce temple atemporel…Puis nous continuons notre aventure tout en flânant entre les blocs éparpillés sur le sol.

 

A l’extérieur, nous continuons sur un petit sentier oublié où des colonies entières de fourmis rouges ont fait leurs nids au pied des épaisses racines. Nous arrivons au niveau d’une rivière qui constituait les bassins royaux du roi et ses concubines. Il n’en reste presque plus rien  si bien que nous ne nous y attardons pas trop et retournons profiter de l’enceinte extérieure jusqu’à la sortie.Des sculptures ciselées se dissimilent parmi les décombres, des linteaux effondrés jonchent le sol sur lesquels nous apercevons une tortue, un des dix avatars du dieu hindou Vishnou symbole de sagesse, tandis que des Apsaras scindées émergent de cette pagaille mythique.

Prendre le temps de flâner parmi les ruines souillées de mousse sombre, et admirer... découvrir cette jungle émergeante de blocs entassés, des sculptures cassées et de lianes ondulantes sans aucun bruit…et écouter son cœur battre quand un autre reste emprisonné dans la pierre…tel est le ressentiment procuré par ce temple.

 

Partir déjà ...

 

Et oui, il est temps de laisser derrière nous cette merveille  trop longtemps oubliée, Vanna nous attend dans la voiture. Un dernier regard en arrière, un dernier souffle du passé et nous retrouvons le monde réel. Il pleut, les nuages aussi sont mécontents de notre départ mais quelques kilomètre plus loin Beng Melea n’est déjà plus qu’un souvenir enfoui profondément dans notre cœur …Nous nous arrêtons dans un restaurant paisible au bord du Tonlé Sap. Comme c’est plaisant de se trouver à l’extérieur , abrités sous un toit d’une terrasse à pilotis tandis que les  «  flip-flops » de la pluie tambourinent sur la surface de l’eau argentée … Deth nous a commandé encore un fois un succulent repas que nous dégustons au doux son de la nature : nems en entrées, abracadabrantes , suivi d’un amok de poulet mijoté dans une noix de coco fraiche avec ses patates et carottes au curry, puis du porc frit aux ognons et tomates en rondelles parsemées de cacahuètes , légumes à la vapeur sans oublier le riz, toujours ce riz blanc collant dont on ne se lasse pas . En dessert des fruits : ananas, « fruit du dragon » et mangue. Et un repas de plus terminé : le temps nous fuit !

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