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Le périple de Bou Sraa

Faux départ

 

Ce matin nous nous levons à l’aube sous la fraicheur matinale du Mondolkiri, puis nous nous rendons tranquillement au restaurant où nous avons diné hier puisqu’il s’agit du point du rendez-vous fixé par Deth et Vanna qui ont convenu de nous récupérer à huit heure. Pour le petit-déjeuner, nous tentons de commander des pancakes à la banane. Très peu de temps après, nous voyons arriver trois belles assiettes chacune garnie d’une épaisse crêpe dorée, non sucrée. Une petite coupelle sur le bord accueille un mélange de lait condensé, de sirop, de sucre et de miel que nous préférons laisser de côté… Papa accompagne cet encas d’un café, trop allongé à son goût. Nous terminons en quelques minutes, après quoi nous patientons en observant hâtivement l’arrivée de notre guide et chauffeur. A notre grand désespoir il pleut averse et d’après ce que nous avons entendu dire, plusieurs clients se sont vus obliger d’annuler leur visite de la cascade deux jours plus tôt en raison du mauvais état de la route, du aux précipitations : ce pourquoi nous appréhendons beaucoup !

A huit heure, Vanna et Deth viennent tout juste de se réveiller, ils nous rejoignent au restaurant alors que nous nous sommes levés depuis plus d’une heure. Ils commandent un café et un bol de riz qu’ils engloutissent devant nos yeux puis nous préviennent que la route pour Bou Sraa est totalement « impraticable ».

Nuance ! Impraticable seulement pour les capacités limitées de la voiture de Vanna…  Ils ont tendance à vouloir baisser les bras et annuler la visite sans même la remplacer par une autre activité mais nous ne sommes pas vraiment du même avis. Nous parvenons à les persuader de tenter, au moins, le début du chemin, et s’il s’avère impossible de l’emprunter nous conviendrons de la démarche à suivre en temps voulu.

Nous rejoignons la place centrale de la ville par une large allée à deux voix qui prend fin au niveau d’un rond-point orné de deux imposantes sculptures de taureaux noir sertis de longues cornes dorées. A cette belle route, succède un chemin de terre boueux, le chemin impraticable dont il est question plus haut… Nous tentons d’avancer en ayant soin de ménager, les freins, les roues et le moteur, néanmoins nous voyons que la voiture est inadaptée au terrain et Deth nous prévient encore une fois que, plus loin, la route est trop mauvaise, « dévastée » par les pluies torrentielles. 

Sur ces dernières paroles nous décidons tous de faire demi-tour sans autre alternative possible.Deth nous demande ce que nous voudrions faire pour poursuivre la journée. Puisque nous ne sommes pas de fins connaisseurs de la région ni même du pays, nous n’avons absolument aucune idée pour la suite ! Il nous propose alors de nous rendre au marché local : évidemment nous ne sommes pas dupes, nous savons tous très bien qu’un tour au marché n’occupera pas toute la matinée ! C’est alors que papa propose à son tour une idée de génie, d’ailleurs il reproche toujours à Deth de na pas y avoir pensé, ou plutôt, de n’avoir pas voulu nous proposer cette possibilité…L’idée est donc de nous dégoter un 4X4 parmi les dizaines que nous avons vu au centre-ville, puis de lui verser une somme d’argent dont nous assumerons les frais en échange de nous conduire aux chutes, quitte à payer le prix fort. Nous garons le van au gré du chemin à proximité du marché de Sen Monorom, où nous aurons la chance la plus robable de trouver un chauffeur de dernière minute.

Deth sort le premier afin d’accomplir une vaine tentative. Sans trop d’enthousiasme, il parvient d’abord à marchander la matinée à un local pour 60 $ afin qu’il nous conduise et nous ramène de Bou Sraa situé à, une trentaine de kilomètres à peine de Sen Monorom. Cette belle somme d’argent équivaudrait pour lui à un moins de salaire. Mais très vite le chauffeur est convaincu par son collègue de refuser notre offre car la route serait beaucoup trop « risquée » ! Deth revient bredouille dans la voiture, trempé par la pluie. Sans relâche nous lui demandons de retourner au restaurant, dans lequel nous avions remarqué, tout en déjeunant, une publicité qui incitait les visiteurs à louer des 4X4 dans la région. Nous y garons puis demandons au propriétaire d'appeler un 4X4 pour nous. Une minute d’appel aura suffi à régler notre problème : un « 4X4 arrivera à 9h » nous prévient-il. Nous le remercions fortement pour sa générosité puis nous patientons. 

 

Au marché de Sen Monorom

Avant de pouvoir embarquer dans le 4X4 en direction de Bou Sraa, nous décidons de nous rendre au marché local. Comme prévu, la balade sous la pluie n’est pas vraiment agréable. Nous déambulons, avec nos imperméables et nos tongs sur les poubelles publiques qui jonchent les allées protégées de bâches délavées par la pluie. Ce sont ces plastiques colorés et raccommodés ensemble qui forment le toit du marché en plein air. Tout le monde joue des codes, pousse et trébuche dans les étroites allées du marché.

Des clients en pagaille sont présents de bon matin. Certains marchandent la viande et le poisson sur les étals envahis de mouches et de moustiques. D'autres choisissent minutieusement les plus beaux fruits qu’ils pourront rapporter à leur famille. Au cœur de cet endroit restreint, c’est à peine si nous pouvons  nous entendre.

Les marchandes crient afin d’attirer la clientèle qui nous semble encore plus abondante. Les femmes tâtent les fruits d’un premier marchand, s’en vont tâter ceux du voisin, puis jugeant que ceux-ci sont moins murs et moins beaux, reviennent sur leur premier choix.  Il est de même pour les légumes, la viande, le poisson et les fruits secs. Les marchands d’épices, quant à eux, aspergent les allées recroquevillées, de leurs parfums doux et voluptueux. 

Au bout de quelques minutes de promenade, Deth, sous prétexte qu’il a besoin de faire des courses pour ce midi, emprunte un chemin étroit. Bousculé à son tour par la foule virevoltante, puis disparaissant derrière un voile de couleurs vives et de cris humectés de parfums épicés, il nous abandonne au milieu de la cohue. Nous l’attendons  puis voyant qu’il ne nous rejoint pas nous décidons de retourner attendre le 4X4 au restaurant.

 

Enfin, c’est parti pour la cascade

Deth ressurgit du marché une demi-heure plus tard, des sacs remplis à la main. Il nous indique que la pêche fut bonne après quoi nous embarquons dans le 4X4, avec quelques minutes de retard, puis prenons enfin la route pour la cascade. La raison de notre détermination à rejoindre les confluents de cette cascade éloignée est accentuée par le fait qu’il s’agisse de la plus belle du Cambodge, selon ce qu’affirment certains témoignages.  Le chemin de terre s’avère difficile, lent et imprégné  d’une atmosphère oppressante. Un passage, où les roues feignent de s’embourber, nous accroche la peur à l’estomac, mais une fois la légère complication dépassée, nous constatons  qu’il n’y avait aucunement besoin d’en faire un caprice.

 

 

La suite du périple confirme nos jugements. Le chemin de terre tortueux précède une route goudronnée qui s’étend sur plus de 25 km que Vanna, notre chauffeur, aurait largement pu emprunter avec le van. D’autre part, la pluie semble s’interrompre par intermittences, ce qui contribue à rendre la route moins glissante que ce qu’elle n’était lors de notre départ : nous ressortons donc contents de cette expérience, après avoir forcé les premières intentions de notre guide nous concluons sur une visite optimiste ! Par ailleurs, notre chauffeur temporaire adopte un comportement très prudent en raison des mauvaises conditions météorologiques. Il ne souhaite pas revivre la même erreur qu’eut faite un conducteur quelques jours auparavant, en empruntant le chemin à vitesse trop élevée, ce qui entraina sa mort et celle de son passager. Aujourd’hui les risques d’accident, très fréquent dans cette région, ont été diminués du fait que la route eut bénéficié des travaux d’embellissement ordonnés par le gouvernement, qui pris en charge les couts.  Néanmoins, la lenteur avec laquelle roule notre conducteur me rappelle fortement le retour du village des Tompouns dans la province du Ratanakiri où  nous roulions à 20km/h. Cette même fois, où nous étions en 4X4 et que nous nous sommes fait doubler par un tuk-tuk… La pluie se remet finalement à tambouriner. Fort. Mais, heureusement, pas au point d’annuler notre visite !

 

Quelques instants plus tard, nous posons les pieds à Bou Sraa, le soleil se lève. Célèbre dans tout le Cambodge, cette cascade déverse ses eaux puissantes dans une grande piscine naturelle, puis retombe quelques mètres plus bas avant de serpenter à travers la jungle luxuriante. Où l’horizon obscure se dessine faiblement vers l’inconnu. Quelques touristes se concentrent au pied de la chute pour se faire photographier déguisés en tenue traditionnelle indienne. Deth nous propose de faire de même, ironiquement, puisque nous refusons catégoriquement ! Les attractions touristiques : très peu pour nous.

Nous nous tenons au pied de la puissante chute d’eau, qui crache d’épais et effrayants limbes puissants, tout aussi poétiques à la fois. L’ensemble fonctionne à la manière d’un brumisateur géant, aspergeant la nature fertile d’une bruine fraiche. Nous nous situons le plus loin pour ne pas recevoir de gouttes d’eau afin de protéger les objectifs des appareils. Mais très vite nous abandonnons les machines et préférons admirer la cascade dans toute se grâce naturelle. Sous le soleil nous aurions peut-être réussi à nous baigner mais pour l’instant la froideur de l’eau nous dissuade de faire un bain, quoique l’action soit énergisante !

 

L’air humide hérisse les poils, se chargeant de gouttelettes pesantes. Les rocs, gris et froids, revêtent un manteau épais parsemés de mousse et de lichen établis sur une palette de nuances vertes digne d’un grand peintre. Des milliers de papillons de toute sorte, et de robes exceptionnelles, mariant les couleurs les plus improbables se plaisent à virevolter puis à se poser à la surface des flaques d’eau profondes. La rivière tumultueuse nous apparait alors comme le prolongement mouvementé de nos sentiments émus face à  un spectacle si époustouflant. La chute surplombe la vaste étendue de forêt obscure qu’elle gouverne en reine.

En grimpant de glissants escaliers dans le but de regagner la voiture, un élan de compassion pour les minorités de la région nous pousse à leur acheter un de leur régime de bananes, qu’elles tentent de vendre désespérément et vainement aux quelques touristes, individus  impassibles face à leur misère. Nous l’offrons à notre chauffeur en signe de reconnaissance, pour avoir gentiment accepté de se déplacer jusqu’ici à la dernière minute. Deth aurait espéré que nous resterions toute la matinée au bord de la cascade, ce pourquoi il eut soin de faire les courses au marché ce matin mais comme le mauvais temps condamne cette activité, certes parfaite pour une saison sèche mais corrompue en période de moisson, nous lui rappelons que, non loin de là, se situe la plantation de café.

 

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