Kep : la future riviera

Qui a parlé de "future riviera" ?

 

Au terme d’une visite précipitée, nous parvenons au centre de Kep pour l’heure du déjeuner, ce pourquoi nous nous rendons dans l’un des restaurants du au marché aux crabes qui fait la célérité du littoral sud du pays. Nous commandons nos assiettes mais la nature de notre plat ne nous importe peu pour le moment. Nous  restons préoccupés par la suite du programme. S’il continue à pleuvoir intensément, comme nous en avons fait les frais cette matinée, nous craignons de devoir annuler la nuit sur l’ile déserte de Koh Ta Kiev… Qu’a –t-elle de vraiment paradisiaque en saison des pluies ? L’eau est sombre, le sable mouillé et la boue ne nous permettrait même pas de faire des randonnées si tenté que le soleil se lève.  Après une décision murement réfléchie nous demandons à Deth d’annuler le bateau qui devait nous y conduire : quarante minutes de trajets sous la pluie avec les valises et les appareils photo ne nous convainquent pas de la notion « paradisiaque ».  Par ailleurs, nous ne savons même pas si le temps se lèvera une fois que nous serions arrivés sur l’ile, que ferions-nous de plus que sur le continent ? A la place nous préférons réserver une nuit à Sihanoukville, où nous avons déjà prévu un court séjour.

Deth règle rapidement notre problème après quoi nos plats de crevettes et de gambas, arrosés d’une sauce douce et poivrée font leur entrée sur la table déjà garnie de sublimes assiettes de riz. Nous déjeunons la conscience tranquille. Kep est le lieu le plus propice pour les amateurs de cuisine raffinée, incluant poissons et grillades fraichement péchées. De surcroit, le poivre y est exploité et manié dans toute sa subtilité étant donné que la ville bénéficie de l’exclusivité sur l’or de la région ! Le ventre plein, nous décidons d’aller faire un tour sur la promenade aménagée qui longe le sentier littoral sur plusieurs kilomètres. Le temps reste toujours très couverts, nuages cotonneux et brume voilée dissimulent la splendeur d’un paysage imprégné de pureté. La mer frappe les rochers effilés sur leur surface, les crabes se précipitent à l’abri de chaque bourrasque et le vent souffle de fureur.

 

Parmi ses atouts : le marché aux crabes

La station balnéaire que l’on se plait à qualifier de « future riviera »   est située à proximité de la frontière vietnamienne. Elle connut une histoire difficile, semée de conflits retentissants, d’embuches et de tensions qui aboutirent à son abandon progressif. Ses plages de sable blanc, sa beauté naturelle et sa situation géographique avantageuse constituaient autrefois des atouts qui lui conférèrent une notoriété promise et l’honneur d’être la ville côtière la plus prisée du Cambodge. Elle fut l’hôte de l’élite française qui y construisit de nombreuses bâtisses coloniales au début du XXe siècle, annonçant alors une période d’attractivité, de commerce florissant et de prestige incontesté. Néanmoins, à partir de 1975, la ville fut réinvestie par les khmers rouges qui la détruisirent puis la laissèrent girent aux confins de ses ruines.

Lorsque nous longeons la promenade, nous n’apercevons, en effet,  des infrastructures pauvres, des espèces de bunkers abandonnés dont les contours des fenêtres cassées gardent des traces noires de suie. Ce paysage chaotique laisse à présager un avenir néfaste pour la ville côtière, qui fut le théâtre de vaines tentations en matière de tourisme et de modernisation. De nombreux projets de réhabilitations, de quartiers, de voies de communications, de villas, d’hôtels et de restaurants furent projetés pour son avenir, sujets à accueillir une nouvelle génération de touriste. Le roi Norodom Sihanouk y fit construire une demeure sublime. Elle ne fut jamais occupée jusqu’à ce jour.

 

Outre son abandonKep est, entre autre, renommée pour son marché au crabe que nous nous plaisons à arpenter. La population locale propose des fruits de mers, des brochettes grillées et des assortiments de poissons grillés tels que des seiches, des gambas, des crevettes, des poulpes et des calamars. Mais son attraction est aussi liée à la vue panoramique qu’elle offre sur l’océan. Nous pouvons reconnaitre les frontières de plusieurs iles qui se prélassent sur les eaux agités, parmi lesquelles nous distinguons « l’ile des lapins », portant officiellement le nom de Koh Thonsay.

 

 

Par ailleurs, la promenade offre une vue exceptionnelle sur l’île Poh Quoc. Egalement connue sous le titre « d’ile émeraude », elle abriterait de belles collines boisées et de luxueux pâturages naturels à l’origine de son trésor. Poh Quoc constitue la plus grande ile d’un archipel constitué de 22 autres iles touristiques dont le site abrite un parc national protégeant une faune et une flore exceptionnelles. L’ile, située à seulement quelques kilomètres du territoire cambodgien, est actuellement l’exclusive propriété du  Vietnam au détriment des gouvernements khmers qui luttent pour son annexion. Elle est donc au cœur de tensions ferventes entre les pays voisins. Le principal argument cambodgien est que le territoire avait toujours appartenu au Cambodge depuis le début de l’ère chrétienne jusqu’à son récent déclin du XVIIIe siècle puis sa prise par les khmers rouges en 1975, ce pourquoi le pays possèderait l’ultime privilège de la rattacher au royaume, traversant une période politique descente et moins mouvementée qu’auparavant.  Mais elle fut un lieu très important dans l’histoire du Vietnam, connu pour avoir servi de refuge à l’un de ses empereurs qui y aurait trouvé un évêque français, à l’origine de sa volonté de reconquête. Et les vietnamiens n’eurent pas de mal à la destituer de la puissance des khmers rouges qui lui concédèrent le territoire après une lutte acharnée. Aujourd’hui les Cambodgiens revendiquent le pouvoir qu’ils ont sur l’ile mais nul ne sait si le royaume khmer se verra un jour détenteur de ce territoire.

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